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pdf Défaut de prise en compte du risque radiologique lors de la manipulation et le transport d’une source d’uranium appauvri (198 ko)

Circonstances de l'incident

Une société réalisant des intégrations de pièces dans des appareils, utilise, entre autres, pour ce faire, de l'uranium appauvri comme protection biologique.

Suite à sa rupture, une de ces pièces est envoyée en expertise dans un laboratoire spécialisé en métallurgie.

L'expédition est réalisée dans un colis excepté, par un transporteur certifié pour le transport de marchandises dangereuses de classe 7, dans le respect des règles imposées par l'ADR (Accord européen relatif au transport international des marchandises Dangereuses par Route).

La réception du colis a été faite par le service expédition du laboratoire. La personne en charge de la réception a déballé la pièce avant de la remettre au laborantin effectuant l’expertise sans aucune vérification préalable. En particulier, la vérification du respect du débit d’équivalent de dose de 5 µSv/h en tout point de la surface du colis n’a pas été réalisée avant déballage. 

L’analyse des risques menée par la société d’intégration a conduit à l’établissement de la mesure de prévention suivante :

Interdiction de réaliser des opérations destructives sur la pièce (usinage, découpage, polissage…) afin de ne pas générer de mise en suspension de particules radioactives.

Aucune évaluation individuelle de l’exposition préalable n’a été réalisée et aucune autre mesure de prévention n’a été mise en œuvre (consignes spécifiques liées à la manipulation),

Une fois l'expertise réalisée, le laborantin remet la pièce dans un emballage classique avant de le remettre au service expédition. Le transport a été réalisé par voie « classique » sans respecter les règles imposées par l’ADR.  

Ni le laborantin, ni le service expédition n’ont donc pris en compte la nature dangereuse de la matière. 

A réception chez l'intégrateur, celui-ci constate l'écart aux règles définies par l'ADR et en informe l’expéditeur.

Evaluation du type de colis

  U appauvri    Activité massique max pour matière exemptée (Bq/g)  Activité max pour envoi exempté (Bq)
   1  1000
  Pièce transportée  Masse (g)  Activité massique (Bq/g)  Activité (Bq)
 50  14 800  740 000

Tableau 1. Activité et activité massique de la pièce transportée

Radioactivité de l'Uranium appauvri

L’activité massique de l’uranium appauvri est de 14,80 Bq/mg, soit 14 800 Bq/g (E. Huffer – H. Nifenecker – février 2001 – iaea.org)

Donc pour 50 g : 14 800 x 50 = 740 000 Bq, soit 740 kBq

  • Pas d'exemption pour activité massique ou activité maximale par envoi.
  • Pas d'exemption au titre du 1.7.1.4 de l'ADR
  • Transport en colis excepté UN 2909 (matières radioactives, objets manufacturés en thoriumnaturel, ou en uraniumappauvri ou en uranium naturel, comme colis exceptés)

Conséquences radiologiques - estimation des niveaux d'exposition externe des acteurs

En dehors des émissions de particules α, les trois isotopes de l’uranium présents dans l’uranium appauvri (U238, U235 et U234) n’émettent que des électrons et des rayonnements X de basse énergie. Leurs descendants émettent quant à eux des rayonnements, en particulier β, d’énergies nettement plus élevées.

L'uranium appauvri présente donc un risque d’exposition externe essentiellement à son contact. 

Ne sachant pas précisément quel est l’impact dosimétrique lié à la quantité moindre d’U235 et d’U234 présente dans l’uranium appauvri par rapport à l’uranium naturel, les calculs visant à estimer le niveau d’exposition seront basés sur les informations dosimétriques de l’uranium naturel. Ce choix permettra d’intégrer un facteur de sécurité.

A partir des paramètres dosimétriques issus de la fiche INRS/IRSN ED 4321 d’août 2014, les débits de dose à différentes distances pour une activité de 0,74 MBq (50g d’uranium) sont :

Distance (cm) Ded Hp 0,07 (µSv/h) Ded Hp 10 (µSv/h)
1* 510 9
10 5,1 0,09
30 0,67 0,01
100 0,08 <0,01

*Débit d’équivalent de dose calculé sur la base de la loi de l’inverse carré de la distance

Le laborantin :

Le laborantin a réceptionné le colis, déballé la pièce et mis en place celle-ci au poste d'analyse (MEB).

Il l'a ensuite manipulée pour des prises de clichés numériques puis remballée avant de la rapporter au service expédition.

La dose reçue, en fonction des paramètres présentés dans le tableau suivant, serait estimée à :

Opération durée (mn) Ded main (µSv/h) dose main (µSv) Ded poitrine (µSv/h) dose poitrine (µSv)
réception colis 5 5,1 0,425 <0,01 <0,01
déballage 5 5,1 0,425 <0,01 <0,01
mise en place MEB 5 510 42,5 0,01 <0,01
analyse 60 0  0,0  0 0,0
prise photos 15 0,67 0,167 0,01 <0,01
remballage 10 5,1 0,9 <0,01 <0,01
expédition colis 5 5,1 0,425 <0,01 <0,01
TOTAL en µSv     44,89   <0,07

Le transporteur :

Même en cas d'un emballage dans un petit colis (environ 10 x 15 x 10 cm), la dose équivalente reçue aux extrémités resterait très limitée (5,1 µSv/h à 10 cm) au vu du temps de manipulation. De plus le transport a été réalisé dans un véhicule type 3,5 t, ce qui a entraîné le maintien d’une distance importante entre le chauffeur et le colis

La dose du transporteur est estimée à :

Opération durée (mn) Ded main (µSv/h) dose main (µSv) Ded poitrine (µSv/h) dose poitrine (µSv)
réception colis 2 5,1 0,17 <0,01 <0,01
chargement colis 1 5,1 0,085 <0,01 <0,01
transport colis 120 0 0,0 0 0,0
déchargement colis 2 15,1 0,17 <0,01 <0,01
TOTAL en µSv     0,425   <0,03

Les conséquences radiologiques restent limitées au vu des doses reçues par les intervenants : au niveau des mains du laborantin et du transporteur respectivement 45 µSv et 0,42 µSv et négligeable au niveau du corps entier.

Ces valeurs sont à comparer avec celles du code du travail qui fixe pour les travailleurs non classés une valeur limite  annuelle de 50 mSv pour les extrémités et de 1 mSv pour le corps entier.

Risques associés

Perte possible de matière nucléaire sans en avoir conscience.

Leçons à tirer de l'incident

Entreprise expéditrice

  1. S’assurer que l’entreprise destinataire du colis (qui sera amenée à le retourner par la suite) ait bien connaissance des règles applicables au transport de colis exceptés.

Entreprise destinataire

  1. Prendre connaissance de la réglementation sur le transport de matière dangereuse (ADR).
  2. S’assurer que les travailleurs amenés à intervenir dans les opérations de transport soient formés aux risques et dangers présentés par les marchandises dangereuses ainsi qu’aux règles applicables.
  3. Evaluer le risque lié à la présence et à la manipulation d’une substance radioactive et définir des règles de prévention à respecter pour limiter l’exposition des travailleurs.
  4. Prévoir une organisation visant à limiter au maximum le nombre de personnes en contact avec la source
  5. Réutiliser l’emballage ayant servi à l’envoi initial du colis (si pas dégradé et non contaminé)

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