pdf Exposition d'un chauffeur lors du transport de générateurs de technétium-99 (115 ko)
(source : base de données EAN - www.eu-alara.net)
Circonstances
Lors de l’année n, un service de dosimétrie a mesuré une dose de 11,3 mSv sur un dosimètre. Ce dosimètre était attribué à un chauffeur de camionnette travaillant pour un distributeur agréé de sources radioactives. Le dosimètre avait été livré le 1er septembre et renvoyé le 18 octobre (période de port de quatre à six semaines).
Tous les samedis matins, ce chauffeur collectait six générateurs de technétium-99 auprès d’un dépôt autorisé à l’aéroport de la ville A, puis les livrait aux hôpitaux de la ville B (située à environ trois heures de route de la ville A) et de la ville C (située à nouveau à trois heures de la ville B).
Suite à l’enregistrement de cette dose (de 11,3 mSv) et conformément à ses obligations de transporteur agréé, le distributeur a effectué une enquête et rédigé un rapport d’incident. Il a alors expliqué que le chauffeur n’utilisait pas de chariots pour transporter les générateurs mais les portait lui-même (manuellement) des points de stationnement aux points de livraison. Il est indiqué que le chauffeur portait son dosimètre dans la poche de son pantalon ou à sa ceinture pendant chaque journée de travail.
Le rapport estime ainsi que, pendant la période de port du dosimètre, le chauffeur a pu porter lui-même les générateurs sur une durée de deux à trois heures. Le distributeur a donc conclu que le port des générateurs de la camionnette aux points de réception était à l’origine de la dose élevée enregistrée.
Enquête des Services Réglementaires et mesures
Au cours de l’enquête des Services Réglementaires, une série de mesures a été entreprise sur des générateurs similaires de technétium-99. Ces mesures avaient pour objectif de « reconstruire » la dose reçue par le chauffeur.
A l’aide de détecteurs Mini-Rad 1000 et de dosimètres, une série de mesures a été effectuée sur la surface supérieure (couvercle) et les parois latérales d’un générateur. Des mesures ont aussi été réalisées au niveau du siège du chauffeur (à l’avant du véhicule) afin d’estimer la dose reçue par le chauffeur pendant le transport du lot complet de six générateurs arrimés à l’arrière du véhicule de transport (un Ford Transit). D’autres ont également été effectuées à environ 5 cm du chargement afin de simuler le cas où les générateurs auraient été chargés à l’avant du véhicule, c’est-à-dire, directement derrière le siège du chauffeur.
Résultats
Le débit de dose était d’environ 600 Sv/h au niveau du couvercle du générateur et d’environ 500 Sv/h le long des parois latérales. Lorsque les générateurs étaient chargés à l’arrière de la voiture, le débit de dose au niveau du siège du chauffeur variait entre 5 et 10 Sv/h. Le débit de dose à environ 5 cm du chargement était proche de 500 Sv/h.
Discussion
Le chauffeur de la camionnette a expliqué qu’il plaçait son dosimètre à la poche de son pantalon ou à sa ceinture, et qu’il portait les générateurs avec les bras le long du corps. Chaque samedi, à la fin de sa tournée, il déposait son dosimètre dans la camionnette, qui y restait jusqu’au samedi suivant. Le reste de la semaine, le véhicule n’était pas affecté à d’autres transports de matières radioactives.
Une « tournée de samedi typique » pour le chauffeur consistait à livrer trois générateurs à des hôpitaux de la ville B puis trois générateurs à des hôpitaux de la ville C. Cela impliquait trois heures de route avec six générateurs puis trois heures supplémentaires avec trois générateurs. La camionnette était vide pendant le retour vers la ville A.
Sur la base des informations données par le chauffeur et des mesures effectuées, le port manuel des générateurs par le chauffeur conduit à une dose maximale de 1 à 1,5 mSv. L’exposition liée au temps de conduite donne par ailleurs une dose supplémentaire de 0,4 mSv. Au total, il apparaît que la dose maximale susceptible d’être reçue par le chauffeur est évaluée à 2 mSv sur la période d’exposition. Cette dose n’est pas compatible avec la dose enregistrée par le dosimètre de 11,3 mSv.
Au cours de discussions plus approfondies avec le chauffeur, il est, en fait, apparu que ce dernier plaçait directement les générateurs derrière son siège pour faciliter leur manutention. Dans ces conditions, le chauffeur était exposé à des débits de dose importants pendant plusieurs heures chaque samedi. Sur une base de trois heures à 500 microSv/h puis de trois heures supplémentaires à 250 microSv/h, le chauffeur a ainsi pu recevoir une dose de l’ordre de 2,25 mSv chaque semaine. Sur la période du port du dosimètre (entre 4 et 6 semaines), une dose comprise entre 9 et 13,5 mSv a donc pu être reçue lors du transport des générateurs. Ajoutées à la dose due au port manuel des générateurs par le chauffeur (1 à 1,5 mSv), ces doses sont compatibles avec la valeur enregistrée.
Conclusions et actions
Les Services Réglementaires ont conclu que cet incident résultait d’un manque d’appréciation par le chauffeur du risque d’irradiation associé aux produits qu’il transportait, et donc d’un défaut de formation et de suivi par le distributeur. Charger les générateurs à l’avant du véhicule n’était pas conforme aux « Instructions aux Chauffeurs » rédigées par les Services Réglementaires, et était aussi une infraction évidente aux procédures de travail établies par le distributeur.
Il a été demandé au distributeur de mettre à jour et de modifier ses « Procédures de Radioprotection », et de renforcer la formation de son personnel afin de souligner les points suivants :
- Les générateurs de technétium doivent obligatoirement être chargés à l’arrière du véhicule de transport afin de garantir des débits de dose inférieurs à 20 microSv/h.
- Une fois déchargés du véhicule, les générateurs de technétium ne doivent jamais être transportés autrement que sur un chariot dédié, fourni par l’employeur. Les chauffeurs ne doivent, sous aucun prétexte, porter eux-mêmes les générateurs entre le véhicule et le point de réception.
Cet incident met en évidence :
- L’importance du port du dosimètre qui a ici permis de détecter une situation d’exposition anormale. La mise à disposition d’un débitmètre ou d’un dosimètre opérationnel, positionné à l’arrière du siège, aurait pu permettre d’afficher le débit de dose réel.
- L’efficacité des méthodes de reconstruction de doses.
- La nécessité d’inclure des contrôles relatifs aux modes de transport lors des enquêtes menées par les autorités réglementaires auprès des distributeurs agréés de sources radioactives.
Points de réglementation
En France, la réalisation des transports de matières radioactives (TMR) est confiée à des sociétés spécialisées, dotées des autorisations et des véhicules nécessaires. En particulier, les conducteurs doivent détenir un certificat (délivré par un organisme agréé par les ministres en charge de l'industrie, de l'environnement et des transports) attestant qu'ils ont suivi et réussi les examens relatifs au transport des matières dangereuses d'une part et à la spécialisation portant sur les matières radioactives d'autre part. Ce certificat doit être renouvelé tous les cinq ans.
Tous les transports de matières radioactives ne sont pas soumis à ces obligations : si moins de 10 colis sont transportés et si l’indice de transport est inférieur à 3, le conducteur n’a pas besoin d’être agréé "TMR". Par contre, il doit recevoir une information qui peut être interne à l’entreprise.
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