France

pdf Réglage du faisceau de rayons X sur un appareil de cristallographie (103 ko)

Circonstances

Dans un laboratoire, un appareil de cristallographie (générateur X) est utilisé par plusieurs équipes de chercheurs français et étrangers. Au cours du mois de mars 2001, l’opérateur “A”, d’origine étrangère parlant français, utilise le générateur X pour étudier la structure cristalline de certains échantillons. Il constate le déréglage important de l’appareil (l’ensemble des clichés réalisés étant inexploitables). Il entreprend alors un réglage du faisceau en suivant les règles de sécurité.

N’ayant pas réussi à régler le faisceau de manière satisfaisante, il quitte le local et rencontre l’opérateur “B”, membre d’une équipe de recherche étrangère présent temporairement, qui lui propose de régler l’appareil immédiatement.

Pour réaliser les réglages de cet appareil en présence du faisceau, il faut utiliser une clef d’inhibition des sécurités. Les sécurités de cet appareil sont principalement liées à la coupure du faisceau (coupure haute tension) et à la fermeture de la fenêtre du tube lors de l’ouverture des vitres de protection de l’enceinte. La clef d’inhibition est détenue par un responsable. En l’absence de ce dernier, l’opérateur “B” entreprend le démontage du boîtier de sécurité et inhibe celui-ci en court-circuitant le système de clef.

Il commence le réglage manuel à l’aide d’une cible luminescente et après quelques minutes, demande à l’opérateur “A” de lui montrer les problèmes d’alignement il avait rencontrés. Ce dernier, n’envisageant pas que l’appareil puisse être sous tension puisque l’enceinte est ouverte, s’approche et voulant préciser un décalage horizontal du faisceau, passe rapidement sa main à droite du collimateur, “mimant” le décalage. L’opérateur “B” réagit alors rapidement et enlève promptement la main de l’opérateur “A”.

Conséquences radiologiques

Les films dosimètres (dosifilm) poitrines, portés par les opérateurs “A” et “B”, ont été envoyés en développement en urgence, les résultats ont été inférieurs au seuil de détection.

Parallèlement, apprenant le débit de dose maximum du générateur X (4000 Gy/h à 40 kV et 20 mA), le médecin du travail a décidé d’envoyer l’opérateur “A” à l’Institut Curie pour passer une thermographie (le résultat de cette dernière s’est révélé négatif).

Compte tenu de la difficulté d’une reconstitution très précise, il a été retenu :

  • Que l’index de l’opérateur “B” a bien traversé le faisceau dont le diamètre est de 1,5 mm, et que la durée maximale d’exposition est de une seconde,
  • Que le débit maximum susceptible d’avoir été intégré en tout point de l’index étant de 360 mSv/s, la dose maximale susceptible d’avoir été intégrée en un point de l’index supposé immobile est donc de 360 mSv et correspond à une énergie déposée dans le doigt de 9,5 µJ.

Dans les faits, le doigt a probablement balayé le faisceau X et le débit de dose de chaque point du doigt exposé au faisceau est plutôt d’environ 40 mGy.

Leçons à tirer de l'incident

Les principales causes de l'incident identifiées après l'analyse sont les suivantes :

  1. Non respect des consignes de sécurité par “B” qui connaît le fonctionnement du générateur X et en neutralise le dispositif de sécurité.
  2. L'opérateur “A” intervient de façon intempestive dans une phase de réglage dont il ignore le mode opératoire.
  3. Mauvaise communication entre l'opérateur “B” qui parle anglais et l'opérateur “A” qui parle français.

L'un des principaux problèmes à résoudre est celui de la mise à niveau en matière de sécurité-radioprotection des nombreuses équipes qui passent dans le laboratoire pour des durées très diverses.

  1. Il faut afficher (éventuellement sur l'appareil) et tenir à jour la liste des utilisateurs habilités à utiliser le générateur X et la liste de ceux qui sont habilités à le régler.
  2. Il est très important d'avoir un circuit d'accueil de tous les nouveaux arrivants qui inclut une information systématique en français ou en anglais sur le sujet. L'accès en salle de cristallographie doit être impérativement conditionné par le suivi de cette formation.
  3. Il faut remettre à cette occasion un dossier en français ou en anglais sur le sujet. L'accès en salle de cristallographie doit être impérativement conditionné par le suivi de cette formation.
  4. La procédure de réglage de l'appareil doit impérativement être rédigée dans les deux langues.

Rappels : Radioprotection appliquée à la cristallographie

Les générateurs de rayons X utilisés en cristallographie sont soumis à plusieurs obligations législatives et réglementaires figurant dans le code de la santé publique et le code du travail. Certaines obligations sont précisées par des arrêtés (NOR : SOCT0412339A, SOCT0512188A, SOCT0611077A). Ces équipements doivent être conformes à des normes de fabrication (NF C 74-100) et d'installation (NF C 15-160 et suivantes). Cette réglementation est en cours d'évolution. Les codes ne devraient pas évoluer de façon notable ; par contre, de nombreuses décisions sont attendues pour préciser des points techniques (régime de déclaration pour les générateurs de rayons X, périodicité et contenu des contrôles techniques de radioprotection, périodicité et contenu des contrôles d'ambiance…).

L'utilisation des générateurs de rayons X est généralement soumise à une autorisation délivrée par l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). Cependant, lorsqu'un générateur fonctionne sous une différence de potentiel inférieure ou égale à 30 kV, et ne crée, en fonctionnement normal, en aucun point situé à une distance de 0,1 m de toute surface accessible, un débit de dose équivalent supérieur à 1 Sv.h-1, il peut faire l'objet d'une exemption d'autorisation. Dans tous les cas, il faut adresser un dossier de demande auprès de la division territoriale de l'ASN qui statuera sur la possibilité d'autoriser ou d'exempter l'appareil. Les coordonnées des divisions territoriales de l'ASN sont disponibles sur le site internet de l'ASN.

La Personne Compétente en Radioprotection (PCR), définie et formée réglementairement puis nommée par le chef d'établissement, est l'interlocutrice privilégiée en matière de radioprotection. Sa nomination est obligatoire dès lors que l'établissement comporte une activité soumise à autorisation ou déclaration au titre de l'article L.1333-4 du code de la santé publique. Elle évalue les risques encourus par les travailleurs et définit les mesures de protection adaptées. Elle est consultée, entre autres, pour l'étude des postes de travail, l'implantation des générateurs, la conception des locaux, l'établissement de la fiche d'exposition aux rayonnements ionisants, l'élaboration des consignes de sécurité.

L'appareillage et les locaux doivent faire l'objet d'une signalisation particulière selon leur classement en "zone contrôlée" ou en "zone surveillée". La partie émettrice de rayons X doit être également signalée par le symbole normalisé "rayonnements ionisants".

L'installation, les appareils de mesure utilisés en radioprotection et le débit de dose ambiant doivent être contrôlés périodiquement selon une fréquence définie réglementairement, en interne sous le contrôle de la PCR et en externe par un organisme agréé ; ces contrôles sont tracés sur un registre.

Les travailleurs font l'objet d'un suivi médical particulier ; ils ne peuvent être affectés à un poste de travail sans avoir consulté préalablement un service médical de la santé au travail. Une dosimétrie adaptée leur est prescrite. Il leur est délivré une carte de suivi médical, personnelle qui les suivra pendant toute leur vie professionnelle. Les femmes enceintes ne doivent pas exposer l'enfant à naître à une dose supérieure à 1 mSv. Les travailleurs doivent bénéficier d'une formation adaptée à leur poste de travail, dispensée par la PCR et renouvelable tous les 3 ans.

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