Circonstances de l'incident
Deux patients étaient programmés en scintigraphie parathyroïdienne avec un médicament radiopharmaceutique (MRP) le sestamibi marqué au 99mTc (2 x 740 MBq). Ce MRP nécessite d’être chauffé lors de sa préparation.
Préparation du MRP
Le manipulateur en électroradiologie médicale (MERM) A a mis le bloc chauffant à préchauffer dans une enceinte plombée sans toutefois vérifier la température de consigne sur le thermostat.
Il a rempli d’eau un flacon témoin situé dans le bloc chauffant contenant un thermomètre.
Puis, après avoir retiré 3 ml d’air, il a introduit 5 ml d’une solution de 6 GBq de technétium-99m dans un flacon de sestamibi (poudre), pour réaliser le marquage.
Lorsque le thermomètre a atteint 99°C, il a mis le flacon contenant le sestamibi et le 99mTc dans le bloc chauffant et a mis un minuteur en compte à rebours sur 10 mn.
Au bout des 10 mn, comme il était occupé à injecter un patient, son collègue MERM B lui a proposé de retirer le flacon.
Le MERM B a constaté que le flacon de MRP n’était plus dans le bloc chauffant et que la lampe à UV située au-dessus était cassée.
Il n’a pas pensé à regarder la température indiquée par le thermomètre ni par le thermostat.
Le MERM B a constaté que le fond du flacon de MRP était resté dans le bloc chauffant et que le flacon contenant de l’eau et le thermomètre y était resté coincé suggérant une surchauffe.
Décontamination
L’enceinte plombée a été entièrement contaminée avec présence, en outre, de nombreux débris de verre.
La décontamination a été effectuée par le cadre du service, le MERM B, le radiopharmacien puis la PCR, au moyen d’un aspirateur pour aspirer les débris de verre (aspirateur mis ensuite en décroissance) puis par des nettoyages successifs avec des produits décontaminants.
Poursuite de l’activité de médecine nucléaire
Les examens des 2 patients ainsi que les autres programmés de la journée ont été reportés. Seuls quelques examens cardiologiques ont été maintenus. La préparation des seringues s’est faite, en mode dégradé, dans la hotte de marquage cellulaire (hotte à flux laminaire*) à partir du flacon de MRP déjà prêt à l’emploi, par le MERM A.
Constations de dysfonctionnements
Préparation du MRP-99mTc
- Le volume du flacon de sestamibi est d’environ 16 ml ; le volume maximal de solution à introduire est de 3 ml, sans minimum d’activité. Le volume introduit dans ce cas a été de 5 ml.
- Le volume d’air retiré du flacon a été inférieur à celui de la solution introduite (3 ml au lieu de 5 ml). Cela a entraîné une surpression.
- La procédure de mesure de la température n’a pas permis de détecter une surchauffe du bloc chauffant puisque le thermomètre mesurait la température dans le flacon d’eau. A ébullition, la température de l’eau ne peut pas dépasser la température de 100° C.
- L’activité préparée (6 GBq) est très excédentaire par rapport à l’activité utile pour les 2 patients (2 x 740 MBq), même en considérant la décroissance. Les patients sont programmés à l’avance, il n’y a pas d’urgence pour ce type de scintigraphie avec le MRP.
- L’activité de 99mTc à introduire dans le sestamibi doit correspondre à l’activité à injecter multipliée par le nombre de patients plus une petite marge. Cela a entrainé une exposition non justifiée du personnel (préparation, décontamination).
Conséquences radiologiques estimées par les acteurs
…Doses efficaces mesurées en opérationnel lors de cet incident
Personnel |
MERM A |
MERM B |
Radiopharmacien |
PCR |
---|---|---|---|---|
Dose reçue |
16 µSv |
16 µSv |
16 µSv |
5 µSv |
Dose max reçue sur une journée de travail |
4 µSv |
4 µSv |
4 µSv |
< seuil de détection |
Mécanisme proposé
Il semble que le flacon de MRP, en chauffe, ait éclaté, projetant sa partie supérieure sur la lampe à UV et la brisant à cette occasion.
Aucune cause n’a été retenue avec certitude.
Hypothèses
- Une fragilisation du flacon, soit par
- défaut de fabrication
- choc mécanique ultérieur
- choc thermique lors de son insertion dans le bloc chauffant (néanmoins, ce flacon est censé supporter un choc thermique dans la procédure habituelle)
- Un chauffage excessif, soit par
- Dérèglement du thermostat
- Dysfonctionnement du thermostat
- Mauvais réglage du thermostat
- Une surpression liée au fait d’avoir introduit un volume trop élevé de solution de 99mTc (5 ml au lieu de 3 ml) sans retirer autant d’air du flacon de produit. Calculs de la suppression :
- Dans la pire des hypothèses : 5 ml insérés dans un flacon de 16 ml sans extraire d’air : (16/11) x 1 atm = 1,45 atm
- 5 ml insérés en retirant 3 ml d’air : (16/14) x 1 atm = 1,14 atm
- Une surpression liée à la température, combinée à la suppression liée au volume initial :
Chauffe à 100° C |
Chauffe à 120° C |
Chauffe à 140° C |
Chauffe à 250° C |
|
En retirant 3 ml |
1,45 atm |
1,53 atm |
1,61 atm |
2,03 atm |
Sans retirer d’air |
1,85 atm |
1,94 atm |
2,04 atm |
2,59 atm |
Leçons à tirer de l'incident
- Respecter la procédure de préparation des MRP :
- volume maximal à introduire ;
- volume d’air extrait = volume de solution introduit.
- Utiliser l’activité minimale nécessaire de 99mTc en cohérence avec les interventions programmées. La procédure n’indiquait que l’activité à injecter par patient.
- Etalonner le thermostat du bloc chauffant en mesurant la température de l’huile dans un flacon avec un thermomètre, si ce n’est pas possible, à défaut :
- Changer le système complètement : nouveau bloc chauffant avec température plus précise, grâce à un thermomètre intégré.
- Porter obligatoirement un dosimètre opérationnel lors de la préparation de MRP et en situation incidentelle.
- Prévoir une double paire de gants dans les opérations de décontamination.
- Envisager la possibilité d’un espace protégé derrière un château de plomb dans la hotte de marquage cellulaire en cas de procédure en mode dégradée.
Pour en savoir plus :
pdf
Fiche Radioprotection - Radionucléides INRS-IRSN ED4301 Technétium-99m
(314 ko)
*la hotte à flux laminaire est utilisée pour le marquage de cellules figurées du sang (plaquettes, globules rouges…) avec quelques MBq de radionucléides (99mTc, 125I, 111In). Ces cellules du sang sont prélevées à un patient, marquées par un radionucléide puis réinjectées à ce patient. La vitre frontale de la hotte est plombée; à l’intérieur, la partie centrale de manipulation est stérile mais pas sur les côtés.