pdf Franchissement volontaire de balisage lors d'un tir gammagraphique (408 ko)
Dans différentes circonstances, pour éviter de contourner la zone d’exclusion, pour faire une manœuvre, ou pour toute autre raison, des balisages de tirs radiographiques sont franchis volontairement. Ces gestes sont à considérer comme des incidents compte tenu des risques auxquels s’exposent les intervenants.
L’exemple ci-dessous illustre ce comportement.
Dans le cadre d’un contrôle radiographique dans une salle des machines, un membre du personnel de l’entreprise utilisatrice (entreprise qui a commandé le tir) est chargé de vérifier l'évacuation et les interdictions d’accès de celle-ci. Vers 21h30, il constate qu'un balisage est déjà mis en place (banderoles et gyrophare) alors que le début de l’intervention est programmé à 22h00. Il franchit donc le balisage pour poursuivre la réalisation de sa procédure, pensant que le tir n’a pas encore débuté, conformément au planning dont il a connaissance.
Dans les faits, l’opérateur de contrôle radiographique s’apprêtait à éjecter la source. Il a vu l’intervenant et lui a signifié de sortir de la zone.
L’agent a été repéré avant que la source ne soit éjectée : il n’a donc pas été exposé.
Si cela n’avait pas été le cas, il aurait pu être exposé à une dose proche de 5 mSv : il avait en effet à réaliser des contrôles relativement longs et l’activité de la source était proche de 1 TBq.
Lors de contrôles radiographiques, il est impératif de respecter le balisage : aucun franchissement, quelle que soit la raison, ne peut être toléré.
Cet incident met en évidence un manque de communication entre l’entreprise intervenante et l’entreprise utilisatrice. Rappelons que, selon les articles 237-1 à 237-28 du code du travail, la réalisation de tirs radiographiques sous-tend une collaboration étroite entre ces deux entités. Celle-ci passe notamment par l’établissement, en commun, du planning de l’activité. Ainsi, ici, malgré l’existence d’un plan de prévention entre les deux entreprises, les horaires n’ont pas été respectés. Il est donc nécessaire de s’assurer de la diffusion et de la bonne compréhension du Plan de Prévention.
Les agents des entreprises intervenante et utilisatrice doivent être informés des risques et des conséquences potentielles d’une exposition lors de tirs radiographiques. L’objectif est que chaque personne amenée à côtoyer les contrôles radiographiques soit parfaitement consciente des risques encourus. Elle doit également être en mesure d’identifier les dispositifs utilisés pour le balisage.
Enfin, l’amélioration des matériels de balisage et de signalisation des tirs radiographiques peut permettre d’éviter ce type d’incident (balisage « plus agressif à l’œil » et plus explicite). A titre d’exemple, les matériels, ci-dessous, répondent à cet objectif.
pdf Franchissement volontaire de balisage lors d'un tir gammagraphique (408 ko)
pdf Irradiation d'un apprenti électricien lors d'un tir gammagraphique (164 ko)
Acteurs
L’entreprise A fabrique dans ses ateliers une barge (6 m x 20 m) pour le compte d’un client. Elle sous-traite la fourniture et la mise en œuvre d’équipements hydrauliques à l’entreprise B. Aucun plan de prévention n’est établi entre les deux parties bien que la durée du chantier dépasse les 400 heures.
Cette entreprise B sous-traite elle-même la réalisation du câblage électrique d’une armoire de commande à la société C (aucun plan de prévention n’est associé).
L’entreprise A mandate la société D pour réaliser des contrôles de soudures par gammagraphie sur la barge. Un plan de prévention est formalisé et signé entre les deux parties avant le début des travaux.
Le jour de l’accident, deux électriciens de l’entreprise C, un chef d’équipe et un apprenti, travaillent dans la barge ainsi que de nombreux salariés (15 personnes) de l’entreprise utilisatrice A. Il y a du retard dans le chantier et les électriciens travaillent dans le bruit (travaux de soudure, meulage, …). Ils portent des protections auditives.
Vers 14h00, le chef d’équipe électricien (entreprise C) est appelé sur un autre chantier pour le même client. L’apprenti travaille seul dans la barge le reste de l’après-midi, toujours entouré des salariés de l’entreprise A.
Vers 16h30, deux personnes de la société D arrivent dans l’atelier pour réaliser un contrôle de soudures, planifié pour 17h00 (l’entreprise utilisatrice est informée de ce tir depuis plusieurs jours). Ils réalisent le balisage de l’atelier et font évacuer le personnel par une personne de l’entreprise A. Les salariés de l’entreprise A quittent la barge et évacuent l’atelier. Personne ne pense à prévenir l’apprenti de la société C.
Un salarié de l’entreprise D descend dans la barge pour mettre en place le film (radiogramme) au droit de la zone à contrôler et ne remarque pas la présence de l’électricien (le ponton est cloisonné en plusieurs compartiments difficiles d’accès).
Avant de procéder à la sortie de la source radioactive, un des deux intervenants crie pour s’assurer que personne ne se trouve dans le périmètre balisé. L’apprenti électricien, qui n’a pas été informé du tir, n’entend pas les appels puisqu’il porte des protections auditives. Il continue donc son travail en attendant le retour de son chef d’équipe.
La zone est alors irradiée pendant 7 minutes 30, l’apprenti électricien également.
A la fin du contrôle, un intervenant récupère le film dans la barge. Le balisage de l’atelier est retiré. Les opérateurs de la société D informent l’entreprise utilisatrice de la fin de l’opération et quittent les lieux sans se douter de l’incident qui vient de se produire.
Alors qu’il effectue une ronde, le chef d’atelier de l’entreprise A constate le mouvement d’un câble électrique de baladeuse sur le ponton. Il prend alors conscience qu’une personne était présente dans la barge durant le tir.
L’apprenti a reçu une dose de 0,38 mSv. Cette dose est basée sur les informations déclaratives de la société de contrôle et sur un calcul réalisé après un relevé topométrique de la situation d’exposition.
Ce salarié, qui n’était pas directement concerné pas l’opération de contrôle, ne portait aucun dosimètre et ignorait tout des finalités et des risques inhérents aux contrôles par gammagraphie.
L’élaboration de plans de prévention entre une entreprise utilisatrice et une entreprise intervenante est obligatoire lors d’opérations à risque (articles R.4512-1 à 12 du code du travail). Ces plans doivent permettre de définir au mieux les mesures et les précautions qui sont à prendre par et pour chaque intervenant. Dans cet incident, en plus de l’absence de plans de prévention entre les entreprises A et B, et les entreprises B et C, il apparaît que les différents interlocuteurs ne connaissaient pas bien le planning des différentes interventions. Ce cas illustre un manque de communication évident entre l’entreprise utilisatrice et les différentes entreprises intervenantes sous-traitantes.
L’existence de plan de prévention ne dispense pas de l’obligation de vérifier que personne ne se trouve dans la zone de tir. Le détenteur du CAMARI est ainsi responsable de s’assurer, par tous les moyens possibles, de l’évacuation complète de la zone de tir. Cette tâche peut s’avérer difficile, notamment si la zone d’exclusion est importante ou si des intervenants sont présents sur des chantiers parallèles. Idéalement, il faut réaliser une visite de l’ensemble des locaux concernés par la zone de tir. Dans cet exemple, le chantier avait pris du retard ce qui peut expliquer que la visite de tous les compartiments de la barge n'a pas été correctement réalisée. L'entreprise de contrôle s'est contentée de s’appuyer sur le compte-rendu d'évacuation réalisé par l'entreprise utilisatrice, qui n'était pas informée que des salariés de l'entreprise C étaient sur le chantier.
Les agents des entreprises intervenante et utilisatrice doivent être informés des risques et des conséquences potentielles d’une exposition lors de tirs radiographiques. L’objectif est que chaque personne amenée à côtoyer des contrôles radiographiques soit parfaitement consciente des risques encourus. Ici, l’apprenti de l’entreprise C n’avait jamais été sensibilisé à cette problématique.
pdf Irradiation d'un apprenti électricien lors d'un tir gammagraphique (164 ko)
Lors de la construction d’un générateur de vapeur, les soudures des tubes sont inspectées par gammagraphie. Pour cela, une source scellée de 20 GBq de Thulium-170 (sous forme d’oxyde de thulium dans une capsule métallique, émission d’une raie X de 84 keV, période 129 jours) est placée dans un porte-source. Sur l’installation considérée, le travail est effectué en continu par roulement de trois équipes.
A la fin du service d’une des équipes, la source a été oubliée dans un tube par inadvertance pendant le traitement des clichés, peut-être à cause de la pression induite par une surcharge de travail. Comme les radiographies indiquaient un défaut de soudure dans ce même tube, deux ouvriers ont été chargés d’éliminer la soudure par perçage et n’ont pas réalisé que la source était encore dans le tube. Lors de cette procédure, la capsule de la source a été accidentellement détruite ce qui a dispersé une partie non négligeable du radioélément à l’intérieur du tube et dans la zone de travail.
La situation a été aggravée par le manque de connaissance du RPS* concernant les caractéristiques de la source et les mesures à prendre pour limiter la diffusion de la contamination. L’opérateur qui a percé la soudure a reconnu avoir ressenti une obstruction dans le tube, il a alors retiré le porte-source et montré la source endommagée au RPS de service. Lors de sa formation celui-ci avait compris que les sources scellées étaient indestructibles. De plus, aucun plan d’urgence n’était prévu pour gérer une situation de ce type. Le problème a été laissé au RPS de l’équipe suivante.
Des mesures de débits de dose ayant révélé la présence de nombreux fragments de la source, le RPS a décidé de nettoyer la zone avec un aspirateur industriel, non équipé d’un filtre pour les particules fines. La conséquence a été une dispersion de la contamination dans toute l’installation. Ce n’est que 24 h plus tard qu’un responsable du RPS a été informé et a sollicité l’avis d’un expert en radioprotection.
Entretemps, environ 200 travailleurs étaient entrés ou sortis de l’installation, la plupart présentait une contamination sur leur peau ou leurs vêtements. La circulation du personnel et de documents contaminés, ainsi que le système de ventilation ont entrainés une contamination de toute l’usine.
Bien que quelques points de contamination isolés aient été trouvés dans des voitures et au domicile de certains employés, il n’y a pas eu de dispersion significative de la contamination à l’extérieur de l’usine. La décontamination a occupé huit personnes pendant trois mois, huit heures par jour. Combiné avec la perte de production, cela a pénalisé économiquement l’entreprise de manière importante.
Les doses externes reçues au corps entier étaient négligeables. Les doses aux extrémités et à la peau ont été calculées à partir du niveau de contamination et de la durée d’exposition.
Effectif exposé | Dose équivalente aux extrémités (mSv) Limite annuelle : 500 mSv |
---|---|
1 | 3800 |
1 | 150 |
2 | 80-100 |
1 | 60-80 |
5 | 40-60 |
20 | 10-40 |
Il n’y a pas eu de conséquences sur la santé du salarié ayant reçu une dose équivalente aux extrémités de 3800 mSv.
Les doses internes dues à l’incorporation de particules radioactives ont été évaluées par anthroporadiamétrie.
Effectif | Activité incorporée (Bq) | Dose efficace (mSv) |
---|---|---|
1 | 4,5.10 4 | 0,200 |
1 | 6.10 3 | 0,025 |
1 | 4,5.10 3 | 0,020 |
5 | 3.10 3 | 0,015 |
Aucun traitement spécifique n’a été mise en œuvre pour les employés ayant reçu une dose interne.
*RPS : Radiation Protection Supervisor : référent en radioprotection
Note : le thulium-170 est une source de gammagraphie de faible énergie utilisée assez rarement et principalement pour des tubes fins.