pdf Manipulation d'une jauge dans une usine de traitement textile (90 ko)
A 1h30 du matin, dans une unité de dépollution d'une usine de traitement du textile, Monsieur A s'aperçoit que l'appareil, destiné à mesurer la densité des liquides de lavage devant être rejetés dans l'environnement est sale. Il entreprend de le nettoyer. Cet appareil est situé dans un local bruyant, encombré, sur une canalisation brûlante. L'ensemble est situé à une hauteur de 3,5 m et n'est accessible qu'avec une échelle. Il existe une signalisation de l'appareil et des risques présentés par la source scellée de Césium 137 d'activité 7,4 GBq au 30/06/89 nettement visible à 2 m du sol. Les indications relatives à la source de Césium sont inscrites sur une plaque gravée, fixée sur le container qui abrite cette source.
Pour nettoyer l'appareil, Monsieur A démonte complètement le container et il sort la source ; il utilise pour cela un morceau de papier. Il coince ce morceau de papier dans le tube collimateur et décide alors de désolidariser celui-ci et de le déboucher avec de l'air comprimé. Pour cela, il saisit avec la main droite le tube et l'emporte dans un autre atelier. Soupçonnant alors la présence de la source de césium au bout de ce tube, il va chercher un stylo dosimètre qui confirmera cette présence. Il décide alors de remonter la source dans le porte-source avec une pince multiprise. A la fin de l'opération, il ressent une impression de chaleur au niveau de la main droite et il est accompagné à l'hôpital le plus proche.
Quelques jours plus tard, il se rend à l'Institut Curie, à la demande du médecin du travail. Le temps d'exposition de sa main a été de 30 à 45 minutes. Durant toute cette intervention, Monsieur A n'a pas porté de dosimètre.
Monsieur A a été la seule personne exposée. Un érythème est apparu immédiatement à la fin de sa période de travail de 30 à 45 minutes, accompagné d'une sensation de chaleur (brûlure du premier degré). S'en est suivi un oedème violacé et la constitution en deux à trois semaines d'une large lésion d'environ 5 centimètres de diamètre d'épithélite exsudative ; le tout évoluant vers une nécrose locale.
Compte tenu des constatations cliniques, la dose délivrée à l'organe au dos de sa main droite a probablement dépassé les 25-30 Sv. Une dosimétrie biologique, par recherche d'aberrations chromosomiques, a par ailleurs été pratiquée sur Monsieur A révélant une dose corps entier de 200 mSv, en faisant l'hypothèse d'une irradiation globale et homogène (estimation comprise entre 0 et 400 mSv pour un intervalle de confiance de 95 %).
L'installation de la source radioactive dans un local bruyant, encombré, situé en un lieu inaccessible sur une conduite brûlante, n'en rendait pas l'entretien et la surveillance normalement possibles, et a conduit à une initiative malheureuse de Monsieur A.
Le comportement de Monsieur A dénote d'une mauvaise connaissance des risques liés à la présence de la source dans l'appareil. La formation d'une semaine qu'il avait reçue était trop sommaire et elle ne l'a pas sensibilisé aux risques encourus.
Avant d'entreprendre une opération de nettoiement d'un appareil, il faut s'assurer que la source radioactive a bien été rentrée à l'aide d'un débitmètre. Dans cet exemple, Monsieur A n'a pas vérifié le débit de dose avant de commencer à nettoyer l'appareil. Tout ceci démontre un manque de " culture radioprotection " de la part du salarié qui était pourtant personne compétente.
Le port d'un dosimètre électronique avec alarme aurait pu suppléer à l'oubli de l'utilisation d'un débitmètre.
pdf Manipulation d'une jauge dans une usine de traitement textile (90 ko)
pdf Perte de la source radioactive d'une jauge dans une usine de textile (8.70 MB)
L’incident s’est produit dans une usine d’industrie textile lors du démontage d’une cardeuse (machine à peigner les fibres textiles) équipée d’une jauge utilisée pour contrôler le bon déroulement du procédé. La jauge est constituée de deux parties, une source et un détecteur, situées de part et d’autre de la couche de fibres à peigner.
Au cours d’une inspection de l’état d’avancement du démontage de la cardeuse (hors service depuis 6 mois), Monsieur A, ingénieur principal de l’entreprise, se rend compte que la partie de la cardeuse sur laquelle était placée une source de 11,1 GBq d’américium-241 a été démontée et envoyée à un ferrailleur. Il interroge alors les agents présents et demande si la source a été récupérée. Monsieur B, responsable de Monsieur A, lui apprend alors qu’il a lui-même retirée la source de la cardeuse, au préalable à son démontage, et l’a remisée. Monsieur A demande à voir la source au magasin et constate que le détecteur a été déposé en lieu et place de la source.
Les discussions révèlent alors que Monsieur B, qui n’avait jamais été formé à l’utilisation de la jauge, pensait que la source était contenue dans le détecteur. Lors de son intervention, il a donc enlevé le détecteur et l’a déposé en magasin, laissant la source et son conteneur attachés à la cardeuse.
Au moment de la découverte de l’incident, il est impossible de déterminer si la source a été envoyée au ferrailleur, a été perdue au moment du démontage ou lors des transports.
Dans ces conditions, la direction de l’usine contacte l’autorité de radioprotection et déclare la perte de la source. Elle fait également appel à une Personne Compétente en Radioprotection pour qu’elle détermine les circonstances de la perte de la source et revoit les dispositions de radioprotection à mettre en place pour gérer les deux autres sources encore présentes sur le site. De nombreuses mesures sont alors réalisées pour identifier les « traces » de la source mais sans succès (le temps écoulé entre la perte de la source et la découverte de l’incident – plusieurs mois – explique certainement cet échec). Il est conclu que la source a dû rester attachée aux composants de la cardeuse lorsque ceux-ci ont été envoyés au ferrailleur. Elle a donc certainement été compactée avec d’autres métaux et envoyée dans une usine de refonte.
Il reste à noter que le ferrailleur disposait d’un portique pour la détection de sources radioactives orphelines mais que celui-ci ne s’est pas déclenché. Ceci peut facilement se comprendre si la source est restée dans son conteneur : celui-ci offrait en effet une très bonne protection et seuls des rayonnements de faible intensité ont pu être émis, certainement absorbés par d’autres déchets présents dans le chargement.
Etant donné que la source n’a pas été retrouvée, seules quelques hypothèses peuvent être faites pour estimer les conséquences radiologiques de cet incident. Considérant les caractéristiques de l’américium-241 (émetteur a, émetteur g de faible énergie – 59 keV), le risque de contamination est le principal risque à prendre en compte.
Si la source a été refondue avec d’autres métaux de récupération, les employés de l’usine de refonte ont pu être contaminés par des poussières d’américium-241. De même, les personnes ayant travaillé le métal récupéré ainsi que ses utilisateurs ultimes ont pu aussi être exposées.
L’enquête a montré que plusieurs facteurs intervenaient dans la perte de la source et la découverte tardive de cet incident :
En conséquence, cet incident permet de souligner les points suivants :
CSP – Art. R.1333-41 : « La cessation d'une activité nucléaire soumise à déclaration ou à autorisation (…) est portée à la connaissance de l'Autorité de sûreté nucléaire (…). L'Autorité de sûreté nucléaire notifie au titulaire de l'autorisation ou au déclarant les mesures à mettre en œuvre, qui peuvent notamment porter sur la reprise des sources radioactives scellées, la vérification de l'absence de contamination radioactive, l'élimination des éventuels déchets radioactifs (…). »
CSP – Art. R.1333-42 : « Le titulaire de l'autorisation ou le déclarant est dégagé de ses obligations lorsqu'il apporte la preuve que les radionucléides et produits ou dispositifs en contenant ont été éliminés des locaux et qu'il a rempli l'ensemble des obligations qui lui ont été notifiées en application de l'article R. 1333-41. L'Autorité de sûreté nucléaire, selon le cas, lui notifie la décision mettant fin à l'autorisation ou lui délivre une attestation le dégageant de ses obligations. »
CSP – Art. R.1333-50 : « Tout détenteur de radionucléides sous forme de sources radioactives, de produits ou dispositifs en contenant, doit être en mesure de justifier en permanence de l'origine et de la destination des radionucléides présents dans son établissement à quelque titre que ce soit.(…)Un relevé trimestriel des cessions et acquisitions doit être adressé par le fournisseur à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (…).Aux fins de mise à jour de l'inventaire prévu à l'article L. 1333-9, une copie du récépissé des déclarations et des autorisations (…) est transmise à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire par l'autorité qui a délivré l'autorisation ou reçu la déclaration.
Code du Travail – Art. R4512-6 : «(…) Les chefs des entreprises utilisatrice et extérieures procèdent en commun à une analyse des risques pouvant résulter de l'interférence entre les activités, installations et matériels. Lorsque ces risques existent, les employeurs arrêtent d'un commun accord, avant le début des travaux, un plan de prévention définissant les mesures prises par chaque entreprise en vue de prévenir ces risques. »
pdf Perte de la source radioactive d'une jauge dans une usine de textile (8.70 MB)
pdf Jauge de densité écrasée par un rouleau compresseur (2.54 MB)
Une jauge de densité portable, appartenant à une société de BTP (construction routière), a été fortement endommagée lorsqu’elle a été écrasée par un rouleau compresseur. Ce type de jauge, qui contient deux sources scellées, une source de rayonnement gamma ( 137 Cs, 370 MBq) et une source de neutrons ( 241 Am/Be, 1,85 GBq), est d'usage fréquent dans la construction routière.
La jauge avait été laissée sur la chaussée le temps d’une discussion entre son opérateur et un superviseur de travaux (les deux personnes se trouvaient alors sur le bas-côté en face de l’instrument). En traversant la zone des travaux, le conducteur d’un rouleau compresseur n’a pas vu la jauge. Il a été averti de sa présence par l’opérateur, mais n’a pas pu arrêter son engin à temps. L’opérateur a immédiatement délimité une zone de 5 mètres de rayon autour de la jauge endommagée et a appelé de l’aide.
Les services d’urgence ont été alertés et un plan d'aide en cas d’incident grave affectant une zone publique a été déclenché. Une équipe de physiciens médicaux d’un hôpital situé à proximité a notamment été dirigée vers le lieu de l’incident. Entre temps, les pompiers ont mis la jauge endommagée dans une benne à mortier, qu’ils ont ensuite remplie de sable.
Les physiciens médicaux ont examiné les alentours du lieu de l’incident, mais n’ont trouvé aucune contamination résiduelle et ont en conclu que les sources de la jauge étaient restées intactes. La jauge, toujours dans la benne remplie de sable, a été transportée vers les locaux de l’entreprise de BTP. Le lendemain, le RPA s’est rendu dans les locaux de l’entreprise puis sur le lieu de l’incident. Il a inspecté les deux endroits minutieusement et n’a trouvé aucune contamination résiduelle. La jauge a ensuite été récupérée pour élimination.
Malgré les dommages subis par la jauge, les étuis des sources sont restés intacts : le risque de contamination radioactive peut donc être considéré comme nul.
En se basant sur l'activité des isotopes contenus dans les sources, il est intéressant de préciser les débits de dose qui sont rencontrés lorsque la jauge est utilisée dans des conditions classiques et ceux qui auraient pu être rencontrés en cas de détérioration.
Débit de dose au contact | |
---|---|
Conditions d'utilisation classiques | Gamma : 150 mSv/h Neutron : 20 mSv/h |
Jauge endommagée et étuis des sources intactes | Gamma et neutron : jusqu'à 4 mSv/h |
Etuis des sources endommagés | Gamma et neutron : jusqu'à 4 mSv/h (et risque de contamination) |
Les entreprises utilisatrices de jauges de densité (ou de tout autre matériel contenant des sources radioactives) doivent connaître leurs obligations règlementaires. De plus, les opérateurs doivent être vigilants à ne jamais laisser une jauge sans surveillance sans qu’elle ne soit placée en sécurité dans un bâtiment ou un véhicule fermé. Ceci est d’autant plus important lorsque de grands engins ou véhicules se trouvent à proximité des zones des mesures. Dans la mesure du possible, il peut être conseillé de renforcer la signalisation autour des jauges en fonctionnement : signal lumineux et/ou sonore, rubalise…
Il est conseillé de prévenir la possibilité qu’une jauge soit endommagée par un véhicule sur un chantier routier : le plan de prévention de l’employeur (entreprise utilisatrice de la jauge) aurait dû prendre en compte ce risque.
La formation des opérateurs de jauges de densité est obligatoire et définie par la réglementation : elle porte notamment sur l’application du plan de prévention et inclut des recommandations relatives à la sécurité des sources.
Les autres travailleurs présents sur le site, comme les conducteurs d’engins, etc, doivent être informés par les responsables de l’entreprise des risques liés aux activités réalisées, y compris des éventuels risques radiologiques et des comportements appropriés à adopter.
Si une jauge contenant des sources radioactives est endommagée, ou semble être endommagée, elle ne doit pas être recouverte de sable ou de gravillons. Cette pratique peut en effet empêcher l’évaluation des dégâts et aggraver la situation si l’enveloppe d’une ou de plusieurs sources est endommagée (car cela peut conduire à la contamination d’une grande quantité de matériau). En cas de survenue d’un tel incident, il est conseillé de faire venir une benne propre et vide sur le chantier, dans laquelle la jauge, préalablement placée dans son conteneur, peut être isolée dans l’attente d’un examen complet par le fournisseur.
Il est conseillé de bénéficier d’un détecteur g/ neutron sur le chantier. Dans le cas présent, son utilisation aurait pu permettre de déterminer si les sources avaient été endommagées. De la même façon, avoir à disposition une pince à distance (permettant de récupérer les sources) peut être conseillé.
pdf Jauge de densité écrasée par un rouleau compresseur (2.54 MB)